Alors que le management hiérarchique traditionnel est en crise, le management transversal n’a cessé de se développer depuis les années 80. Pourquoi cette approche managériale est-elle plus qu’un effet de mode et quel est son devenir dans un monde en mutation ?

La transversalité, tient-elle toutes ses promesses pour être l’approche managériale de demain

Pour commencer, les organisations se transforment en prenant en compte des facteurs exogènes, liés à l’environnement, et endogènes liés aux aspirations des collaborateurs et des managers.

Facteurs exogènes

Ensuite, pour être performantes, les organisations doivent s’adapter à un environnement changeant, complexe, concurrentiel et souvent paradoxal :

  • L’organisation en réseau dans un contexte d’internationalisation ; 
  • Le travail à distance permis par la digitalisation ;
  • L’élargissement de l’entreprise par la contractualisation de relations durables avec des fournisseurs ;
  • La décentralisation des compétences ;
  • L’orientation cliente ;
  • Les grands projets de transformation et d’innovation qui traversent l’ensemble de l’organisation.

Ainsi, le management transversal s’est développé pour répondre à ces facteurs exogènes en mettant du liant dans les silos des organisations matricielles. En ce sens, il présente de nombreux avantages :

  • Économies d’échelle ;
  • Performance collective orientée client et marchés ;
  • Décision plus rapide, plus d’efficacité et de collaboration grâce au décloisonnement ;
  • Partage des connaissances et de l’information qui favorise l’innovation ;
  • Cohérence d’ensemble, homogénéisation des pratiques ;

Facteurs endogènes

Les valeurs sociétales orientent également les nouvelles formes d’organisation vers un management plus entrepreneurial basé sur la passion, le sens et le plaisir :

  • Équilibre “vie pro / vie perso” ;
  • Autonomie, liberté et mobilité ;
  • Santé, bien-être et solidarité ;
  • Communication, collaboration et connexion ;
  • Identités et appartenances multiples ;
  • Appartenance à un projet et non à une structure ;
  • Créativité ;
  • Conscience écologique ;

Cependant si le management transversal répond aux besoins d’autonomie, de collaboration et d’appartenance, il ne peut répondre pleinement aux aspirations des collaborateurs et des managers sans une transition culturelle et managériale de la part des organisations “historiques”.

L’approche managériale de demain sera-t-elle le management transversal 4.0 ?

Par ailleurs, le management transversal s’inscrit dans un processus historique et s’adapte aux mutations des organisations. Souvent présenté comme le pendant opposé du management hiérarchique, le management transversal n’est-il qu’une forme transitoire précédant une réinvention d’une approche managériale traditionnelle ? Nous avons donné la parole aux experts.

Management 1.0

Organisation taylorienne

le management 1.0

1900

Valeur sociétale

  • Sécurité
  • Pouvoir

Culture d’entreprise

  • Paternaliste
  • Directive

Culture managériale

  • Patron
  • Chef

Contexte d’apparition

  • Morcellement du travail ;
  • Naissance du salariat pour réduire les coûts de transaction et assurer un débouché à la consommation ;
  • Distinction entre les ingénieurs qui savent, les contres-maîtres qui contrôlent et les ouvriers qui font.

Management 2.0

Organisation matricielle

management 2.0

1950

Valeur sociétale

  • Ordre
  • Réussite

Culture d’entreprise

  • Bureaucratique
  • Stratégique

Culture managériale

  • Manager
  • Leader

Contexte d’apparition

  • Standardisation et optimisation des processus pour assurer une production de masse
  • Concurrence mondialisée et internationalisation
  • Externalisation des activités non stratégiques puis stratégiques
  • Décentralisation des connaissances et des expertises

Management 3.0 & 4.0

Organisation réinventée

Management de demain 3.0 et 4.0

2010

Valeur sociétale

  • Bien-être
  • Liberté

Culture d’entreprise

  • Collaborative
  • Co-responsable

Culture managériale

  • Coach
  • Facilitateur

Contexte d’apparition

  • Digitalisation et travail à distance
  • Montée du “freelancing” et désintermédiation croissante
  • Ère du service et de la personnalisation client
  • Responsabilité sociale des entreprises

“Le changement, c’est maintenant” : comment passer de la transversalité à la co-responsabilité ?

Avec le “double management”, la tâche des managers transversaux se complexifie dans les organisations formelles. Selon Francis Boyer, l’organisation doit changer de cadre en passant d’une logique verticale / transversale à une logique de coresponsabilité pour faciliter les missions transverses et répondre pleinement aux aspirations des collaborateurs.

Les 3 rôles du leader

Ensuite, Eric Berne distingue 3 rôles de leadership :

  • Le leader responsable ou institutionnel : sa fonction est officielle, il est responsable juridiquement.
  • Effectif ou technique : il résout les problèmes et apporte des préconisations.
  • Le leader psychologique : il a de l’influence car le groupe lui parle et l’écoute naturellement.

Par ailleurs, ces trois rôles peuvent être incarnés par une seule ou plusieurs personnes.

Ainsi, les RH auront pour mission d’accompagner l’assimilation progressive de la co-responsabilité par l’alignement du “être ensemble” et du “faire ensemble”, la définition et la protection des nouveaux rôles de leaders qu’ils soient hiérarchiques ou non.

Aligner progressivement les niveaux

Être ensemble

  • MISSION : Raison d’être)
  • VISION : Ambitions à long terme
  • STRATÉGIE : Plan pour concrétiser la vision
  • IDENTITÉ : Valeurs communes

Faire ensemble

  • ORGANISATION : Répartition des rôles, gouvernance
  • PRATIQUES : Systèmes, modes opératoires, rituels
  • COMPÉTENCES : Capacités et aptitudes
  • COMPORTEMENTS : Attitudes

Co-construire le contrat collaboratif

Toutefois, avant de formaliser les rôles des leaders non hiérarchiques, la direction doit réellement souhaiter un changement de “mindset”. Pour évoluer vers une organisation co-responsable ; la première étape est de définir le contrat collaboratif :

  • Prendre conscience de la nécessité d’évoluer vers une organisation co-responsable ;
  • Vouloir collectivement et réellement le changement ;
  • Co-construire en ateliers les valeurs communes (ex. : la confiance, la transparence, …) ;
  • Valider l’adhésion mais également la capacité à incarner ces valeurs ;
  • Intégrer les termes du contrat collaboratif dans les outils RH (recrutement, évaluation, évolution, …).

Autoriser et protéger les fonctionnements organiques

Même lorsque les changements sont souhaitables et souhaités par la majorité, il y aura toujours des opposants ou des réfractaires. Il est donc crucial, non seulement d’autoriser mais également de protéger les nouveaux rôles :

  • Dissocier les 3 rôles du leadership (institutionnel, technique et psychologique) ;
  • Préciser les modalités de nomination /sélection / élection de ces rôles ;
  • Valoriser les rôles de leaders non institutionnels symboliquement (ex : communication) et/ou réellement (ex : salaire) ;
  • Co-construire avec les managers les nouvelles postures et pratiques en bottom-up ;
  • Favoriser la mobilité et l’évolution latérale et non plus seulement verticale ;
  • Encourager les rencontres trans-fonctionnelles (communautés, co-développement, ateliers).

Valoriser les “soft-skills” et les appétences

Les soft skills ou savoir-être sont des qualités acquises par le vécu tandis que les appétences sont des centres d’intérêts ou des pratiques qui suscitent l’enthousiasme chez le collaborateur. Les compétences techniques seront d’autant plus faciles à assimiler si l’apprentissage est motivé par l’envie d’apprendre. Par conséquent, le choix d’un leader doit être motivé par l’expression de sa volonté et par la reconnaissance de ses qualités humaines.

  • S’intéresser à l’intelligence émotionnelle (empathie), situationnelle (adaptabilité), relationnelle (médiation, négociation), dynamique (goût du défi, persévérance) voire interculturelle et sensibiliser l’ensemble de l’organisation ; 
  • Auditer les appétences des collaborateurs et des managers ; 
  • Encourager le “growth mindset” plutôt que le “fixed mindset” : il n’y a pas de déterminisme lorsqu’il y l’envie de changer ;
  • Recruter en priorité en interne ; 
  • Oser recruter des personnes qui n’ont pas d’expérience mais qui ont envie de faire et qui ont envie d’apprendre ;
  • Former.

Faciliter l’expression des ressentis, des idées et des avis

Puis, pour permettre aux collaborateurs d’exprimer ce qu’ils aiment ou aimeraient faire à titre individuel et de s’assurer de l’adhésion collective, les organisations doivent en finir avec la “communication persuasive” :

  • Mettre en place des rituels déclaratifs : sondage, application, vote, prise de paroles, …
  • Favoriser la déclaration publique et transparente ;
  • Privilégier le questionnement ouvert et non persuasif.

Tester et apprendre

De même, dans un monde incertain et changeant, le succès n’arrive jamais (ou rarement) au premier coup d’essai. Il est important d’accueillir le risque sans vouloir à tout prix le gérer :

  • Fixer des engagements clés ;
  • S’inspirer des organisations et des pratiques collectives des startups (ex. hackathons) ;
  • Expérimenter rapidement à petite échelle ;
  • Favoriser les rapports d’étonnement, les feedbacks ;
  • Ne pas chercher de coupables quand il y a des difficultés ;
  • Comprendre ce qui ne fonctionne pas d’un point de vue systémique et réajuster collectivement ;
  • Déployer à plus grande échelle.

Pour conclure sur l’approche managériale de demain

De plus en plus de managers hiérarchiques souhaitent manager en transversal et les jeunes leaders transversaux évolueront pour certains vers des fonctions hiérarchiques. Il est donc important d’accompagner ces managers dans leurs pratiques pour résoudre leurs problématiques immédiates et pour favoriser leur évolution de carrière qu’elle soit latérale ou verticale.

Pour faciliter le climat coopératif propice à la transversalité, il est important de mener une réflexion globale sur le cadre culturel et organisationnel de l’entreprise et sur la valorisation des soft skills, des appétences et des comportements chez tous les collaborateurs.

Cette démarche permettra d’évoluer progressivement vers un management co-responsable qui répond à la fois aux besoins de performances des organisations et des aspirations sociétales.

L’avenir se prépare dès maintenant !

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