Faut-il rendre obligatoire le codéveloppement ou le coaching collaboratif ?

Dans le domaine des ressources humaines, une croyance tenace persiste : la participation à un parcours de codéveloppement, de coaching collaboratif nécessite une volonté individuelle.

On pense souvent qu’il faut être volontaire pour participer et s’engager dans un tel programme. Cependant, cette croyance ne reflète pas nécessairement la réalité.

1 – Notre constat sur l’efficacité du volontariat dans une démarche d’intelligence collective

Nous avons constaté des résultats intéressants en observant les taux de participation dans nos différents parcours :

      • Notre premier client au format intra-entreprise, qui accompagnait une trentaine de managers, a connu le pire taux de participation que nous ayons enregistré (65%), alors que… tout le monde était volontaire.
      • Aujourd’hui, 90% de nos clients intègrent notre formation dans leur parcours de formation obligatoire, ce qui fonctionne.

Le volontariat n’est pas le critère qui impacte la participation ni celui qui prédit la mise en mouvement ou le changement de comportements attendus. Malgré cela, de nombreux clients ont cette croyance, et c’est un point que nous avons observé au fil des années.

2 – Explications potentielles sur le faible impact du volontariat sur la participation et la mise en mouvement

Syndrome des bonnes résolutions

Ce phénomène est comparable au syndrome des bonnes résolutions de fin d’année : nous nous engageons à l’instant T dans un programme qui est souvent sur le long court et qui se confronte à un moment à une réalité tout autre que l’instant T.

Si l’on prend l’exemple du sport, nous nous inscrivons à la salle de sport le 1er Janvier et le 1er Mars nous n’y sommes déjà plus !

Injonctions paradoxales

Dans de nombreuses entreprises, le programme de formation est basé sur le volontariat, mais les apprenants, leurs managers ou la structure ne priorisent pas nécessairement la formation dans leur agenda et leurs objectifs, ce qui impacte la participation.

Si l’on continue la métaphore de la salle de sport, c’est comme si vous aviez décidé d’aller à la salle de sport tous les soirs mais qu’en tant que parent vous devez finalement garder vos enfants le soir.

Formats peu familiers

Les formats collectifs et expérientiels sont souvent nouveaux pour les apprenants habitués à des méthodes d’apprentissage plus traditionnelles, ce qui peut entraîner une certaine réticence à s’engager pleinement. Oser paraître incompétent, se mettre à nu, participer de manière active peut brusquer certains d’entre eux.

Pour la salle de sport c’est pareil : entre ce que l’on projette de l’effort nécessaire et la réalité il y a parfois un monde ! Soulever des kilos de fonte et courir des heures peuvent rebuter certains.

Écart entre projections et réalité

En modifiant notre objectif pédagogique, passant d’un partage de solutions au développement de techniques de coaching, nous avons été confrontés à un écart entre ce que les apprenants pensaient trouver (l’idée que leur problème serait résolu à leur place) et la réalité (la nécessité de prendre le temps de comprendre où se situe le véritable problème).

Pour la salle de sport c’est pareil : vous souhaitez maigrir et votre entraînement vous fait prendre du muscle et donc grossir …

3 – Paradoxes dans l’approche de la formation managériale

L’impact de l’école sur notre vision de la formation

Nos 15 ans au sein du système éducatif français public impactent notre vision des formations, en particulier :

      1. Le parcours pré-établi et commun à tous
      2. La posture de sachant qui est valorisée
      3. Le manque d’implication de l’apprenant en tant qu’acteur de son parcours
      4. Le système du diplôme et de la sanction du résultat par la notation

Tout comme l’instruction est une obligation dans notre modèle républicain, la formation en entreprise, en particulier lorsqu’elle recoupe les caractéristiques énoncées ci-dessus, est rendue obligatoire.

Les formations actives comme le codéveloppement ou le coaching collaboratif confronte les formateurs à l’impact de leurs formations : si l’apprenant n’est pas acteur, il ne se passe rien, pire même il risque d’impacter la dynamique du groupe. Pour anticiper cette peur/crainte, nous espérons à tort que le volontariat les rendra acteurs.

C’est sûr que la passivité d’un apprenant dans une formation descendante sera beaucoup moins visible et moins impactant sur le reste du groupe.
Mais l’objectif est-il vraiment là ?

Développement d’une culture commune sur base de volontariat ?

On trouve aussi une forme de paradoxe parfois à vouloir créer une culture commune, un langage commun et de n’embarquer que certains individus.

L’école malgré tous ses défauts a l’avantage de créer une culture commune, un socle commun pour que nous fassions société.

L’objectif n’est pas seulement de former un individu de manière séparée, il est de créer des façons de travailler commune, de réfléchir commune, sans opposer l’apprentissage individuel et collectif.

Comme vous le verrez nos clients qui inscrivent ces démarches dans une démarche collective d’entreprise rendent systématiquement ces programmes obligatoires.

4 – Notre stratégie

Aujourd’hui nous avons mis en place une stratégie afin de maximiser à la fois la participation et la mise en mouvement de tous les apprenants :

      • Créer des groupes pilotes basés sur des apprenants que les RH savent sensibles aux objectifs/moyens de la formation, qu’ils soient volontaires ou non.
      • Apprendre de ses groupes pilotes sans leur dire que c’est un test car nous avons remarqué que cela biaise les résultats. L’apprenant se met en effet dans une position d’analyse de la formation plutôt que de chercher à apprendre.
      • Utiliser les testimoniaux des groupes pilotes pour faire la promotion du programme obligatoire en interne. Voici un exemple de présentation que nous avons fait avec un de nos clients : https://uptogether.com/itga-promotion-2024.
      • Communiquer et communiquer encore sur les objectifs, le comment et le quoi, en suivant le modèle du cercle d’or de Sinek, tant avant qu’après la formation, notamment par la voix du Comex.
        Typiquement chez UpTogether, nous souhaitons améliorer les interactions entre les individus (le “pourquoi”), nous pensons que leur apprendre des techniques de coaching peut permettre d’y arriver (le “comment”) et pour se faire nous nous basons sur une format collectif, récurrent et qui s’appuie sur les problématiques terrains (le “quoi”).
      • Intégrer dans les groupes des participants qui paraissent réfractaires avec des apprenants qui le paraissent moins : nous avons en effet constaté que sur le long terme, les réfractaires au sein d’un groupe finissaient par changer.
      • Créer des groupes d’apprenants qui ont le moins de liens hiérarchiques ou business possibles entre eux, surtout lorsque la culture n’est pas favorable à la liberté de parole, dans un premier temps.
      • Demander au top management de sanctuariser le temps de la formation et d’être un sponsor important de la démarche : “nous acceptons de perdre du temps à court terme pour en gagner à long terme”.
      • Suivre tous indicateurs faibles (participation, notes données pendant les ateliers, commentaires de fin d’atelier etc.) pour engager un suivi individuel afin d’éviter les décrochages.

5 – Nos résultats

Laissons la parole à nos clients !

Il y a quelques noms qui m’ont surprise en effet ou ce sont des personnes que je ne voyais pas du tout intéressées par le management.

Ils le faisaient parce que cela allait avec la fonction, en étant très directif dans leur manière de manager.

Je dirais qu’ils se sont rendus compte qu’il y avait moyen de faire autrement et d’obtenir l’adhésion des collaborateurs.

Isabelle Boneau

DRH, Neoxam

Je dirais que ce n’est pas une question d’obligatoire ou de facultatif.

Je dirais que c’est une question de nécessité.

Voilà, c’est nécessaire dans notre métier, dans notre métier où le capital humain, la relation humaine, est précieux. Donc c’est une nécessité de se regarder faire, d’apprendre, de grandir et de faire grandir ceux qui nous entourent. 

Elodie Gaudru

Responsable du service aux entreprises, Chambre des Métiers et de l'Artisanat

Ce qui a été intéressant, c’est que des personnes qui étaient réticentes au départ ont bien vu que d’autres faisaient confiance en jouant au jeu, en exposant leurs problèmes.

Et il y a eu un phénomène d’embarquement qui s’est produit. Et à la fin du parcours, finalement, les personnes qui étaient réticentes ont accepté à leur tour de parler d’elle et de leurs problématiques.

Estelle Cordonnier

Directrice de centre, Maif

Merci à nos RH de nous intégrer dans ces parcours de formation.
On n’a pas toujours envie d’y aller avant qu’ils nous inscrivent.

Ils nous poussent un petit peu, mais on trouve toujours mieux à faire. On a toujours des emplois du temps qui sont très chargés, donc on a plutôt tendance à y aller parfois avec un peu de frein. Ils nous poussent.

Merci de nous y pousser parce que ça nous fait grandir, ça nous fait nous développer, ça nous fait apprendre plein de choses et ça nous fait progresser. Et on le voit vraiment dans la vie de tous les jours. Donc merci.

Caroline Cannizzaro

Directrice Contrôle de Gestion & Comptabilité, Auchain Retail International

6 – Conclusion

La question de rendre le codéveloppement ou d’autres formats d’intelligence collective obligatoires ne trouve pas de réponse unique.

Elle dépend du contexte et de la culture de l’entreprise.

Plutôt que de fournir des réponses définitives, il est important de soulever ces paradoxes, les objectifs que l’entreprise veut atteindre et d’apprendre des différentes pratiques pour améliorer les programmes de formation en entreprise.

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